Journal Of Hellenic Religion (J. Hell. relig.)

Résumé : Cet article vise à brosser un tableau général de la perception du christianisme chez Lucien de Samosate à travers l’analyse du vocabulaire particulier employé dans le chapitre 11 de son De morte Peregrini, où le christianisme est mentionné comme θαυμαστὴ σοφία et καινὴ τελετή. Ainsi, en premier lieu, ont été analysées les différentes significations et l’évolution de ces deux noms dans le contexte de l’histoire de la langue grecque ; en seconde lieu, a été étudié leur usage spécifique aux œuvres de Lucien. Cette analyse préliminaire s’étant heurtée à une difficulté apparente à concilier les deux termes avec la définition de la religion chrétienne, l’attention s’est portée sur leur usage spécifique lié au christianisme dans le De morte Peregrini. Quant à θαυμαστὴ σοφία, le contexte narratif et la connotation particulière de Jésus comme σοφιστής (figurant dans un passage ultérieur et lue à la lumière de la catégorie historico-religieuse de θεῖος ἀνήρ) ont permis de reconnaître une signification spécifique en tant qu’ensemble des connaissances et des normes constitutives de la doctrine transmise aux chrétiens par Jésus, à savoir en tant que « contenu » du christianisme. La désignation de καινὴ τελετή qui concerne plutôt la « forme externe » du christianisme, a trouvé une explication dans le contexte de la structure générale du polythéisme grec (au sein duquel le concept général de « religion » est absent), ce qui entraîne l’impossibilité pour Lucien de comprendre et d’expliquer le christianisme en dehors des paramètres traditionnels, et l’amène à l’identifier comme l’une des diverses options de culte dévotionnel et initiatique se répandant au sein de la religion grecque. Enfin, la lecture croisée de ces deux définitions à la lumière du vocabulaire y relatif et de la conception de Jésus en tant que θεῖος ἀνήρ, a permis de reconnaître chez Lucien une attitude de désintérêt général et de légère moquerie envers le christianisme, qui le relie à d’autres intellectuels de l’époque, même sur le plan linguistique.

Abstract: This article aims to draw a general picture of Lucian of Samosata’s perception of Christianity through the analysis of the peculiar vocabulary used in chapt. 11 of his De morte Peregrini, where Christianity is mentioned as θαυμαστὴ σοφία and καινὴ τελετή. To do this, at first, the different meanings and the evolution of these two nouns in the context of the history of the Greek language have been analyzed; subsequently, they have been studied in their specific uses within Lucian’s works. After this preliminary analysis, from which an apparent difficulty to reconcile the two terms with the definition of Christian religion has emerged, the attention has been focused on their specific use related to Christianity in De morte Peregrini. As for θαυμαστὴ σοφία, the narrative context and the particular connotation of Jesus as σοφιστής (given in a later passage and read in the light of the historic-religious category of θεῖος ἀνήρ) have made it possible to recognize a specific meaning as set of knowledge and norms that makes up the doctrine transmitted to Christians by Jesus, i.e. as the ‘content’ of Christianity; the definition of καινὴ τελετή, which concerns instead the ‘external form’ of Christianity, has found an explanation in the context of the general structure of Greek polytheism (in which the general concept of ‘religion’ is missing), which determines the impossibility for Lucian to understand and explain Christianity outside the traditional parameters, and leads him to identify it as one of the various options of devotional and initiatory worship that were spreading within Greek religion. Finally, the cross-reading of these two definitions in the light of the surrounding vocabulary and of the conception of Jesus as θεῖος ἀνήρ, allowed to recognize in Lucian an attitude of general lack of interest and slight mockery towards Christianity, which connects him to other intellectuals of the time, even on the linguistic level.