Année de publication : Journal Of Hellenic Religion, , Vol. 12, 133-158.

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Résumé : Pour le public contemporain, le mythe grec est étudié et apprécié à travers divers médias, y compris les ouvrages de référence, le théâtre classique réinterprété et les films présentant les monstres légendaires et les héros épiques d’un passé lointain. Une fois que le public est suffisamment à l’aise avec le mode de fonctionnement des mythes, de nouveaux mythes seraient inventés – des mythes ressemblant à ceux connus par la tradition mais abondant en héros nouvellement inventés, en exploits et défis toujours plus ardus. Le modèle narratif existant est facilement copié et se transforme en un système productif générant des histoires correspondant à un format d’ensemble. En même temps, il reste difficile d’évaluer le processus qui généra initialement les premières versions des mythes grecs. Dans la littérature grecque archaïque, le premier et le plus connu des exemples de fabrication directe de mythes est celui du récit d’Ulysse chez les Phéaciens – une réminiscence des événements qu’il vécut (Odyssée 9-12). Ce récit d’Ulysse (ou « autobiographie », désigné sous le nom Apologue ou Apologoi) emmène son auditoire fasciné dans des lieux lointains et lui présente d’éventualités incroyables. Devant un auditoire présent et sa réaction que nous apprenons à connaître, les histoires fantastiques d’Ulysse sont, au mieux, considérées comme des « rendus imaginatifs de lieux réels» (Dougherty, 2001 ; cf. Haller, 2011 ; Romm, 2011), ou, plutôt, comme je le soutiens, des mythes nouvellement inventés. Sa description de lieux et d’événements ne sert qu’à mettre en évidence ses propres objectifs (« espace focalisé », selon De Jong, 2012, p. 27, qui affirme que les histoires d’Ulysse sont authentifiées par le narrateur principal, p. 38). L’utilisation et le développement de la géographie dans les Apologoi d’Ulysse rappellent à bien des égards la manière dont les narrateurs (ou les patients dans un contexte clinique) « cartographient » des mémoires et souvenirs. Les narrateurs en quête de leur mémoire envisagent facilement un environnement (quasi) fictif pour leurs souvenirs liés aux événements passés. Ce processus et ses résultats sont bien connus grâce aux observations récentes faites dans le domaine des (pseudo)sciences neurocognitives. Plus le « souvenir » est fantastique, plus l’environnement envisagé s’éloigne de la géographie réelle. Alternativement et vice versa : si un espace géographique rappelé ne peut pas être facilement localisé dans le monde réel, le souvenir lui-même est probablement faux et inventé. L’« autobiographie des dix dernières années » d’Ulysse est un mélange d’aventures authentifiées et inventées. Ainsi, la représentation de la création de la mythologie dans une oeuvre littéraire fournit au public et chercheurs contemporains un exemple de la manière dont l’imagination et la vérité acceptable interagissent dans le cadre de la religion grecque.

Abstract: For the modern audience, Greek myth is studied and enjoyed through various media, including reference works, re-performed classical theatre, and motion pictures featuring the legendary monsters and epic heroes of the distant past. Once the audience is sufficiently comfortable with the way myths work, new myths may be invented, resembling those known from tradition but filled with newly invented heroes and ever more arduous tasks and challenges. The existing pattern of narrative is easily copied and turns into a productive system generating stories to fit a set format. At the same time, it remains difficult to gauge the process that initially generated the first versions of the Greek myths. In archaic Greek literature, the first and best known example of first-hand mythmaking is the recollection of past events by Odysseus, during his visit to the Phaeacians in Odyssey 9-12. Odysseus’ account (or ‘autobiography’, known as Apologue or Apologoi) takes his fascinated audience to remote places, and presents them with unbelievable eventualities. Before a live audience whose response we get to know, Odysseus’ fantastic stories are, at best, considered ‘imaginative renderings of actual places’ (Dougherty, 2001; cf. Haller, 2011; Romm, 2011), or rather, I argue, newly invented myths. His description of places and events merely serves to highlight his own objectives (‘focalized space’ according to de Jong, 2012, p. 27 who states that Odysseus’ tales are authenticated by the primary narrator, p. 38). The use and development of geography in Odysseus’ Apologue are in many ways reminiscent of the way narrators (or patients in clinical settings) ‘map’ memories and recollections. Narrators searching their memory easily envisage a (partly) fictitious environment for their recollections of past events. This process, and its results, are well-known from recent observations from the field of neurocognitive (pseudo)sciences. The more fantastic the ‘recollection’, the further removed from genuine geography the envisaged environment turns out to be. Alternatively, and turning things around: if a recollected geographical setting cannot be readily located in the real world, the recollection itself is probably false and invented. Odysseus’ ‘autobiography of the past ten years’ is a blend of authenticated and invented adventures. Thus the representation of the creation of mythology in a literary work provides the modern audience and researcher with an example of the way imagination and acceptable truth interact in Greek religion.

Mots-clés: mapping of memories, narrative and narration, geography in Odyssey, Odysseus' Apologue, Greek mythology, truth interaction in Greek religion

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